Le ministre d’Etat en charge du Budget, l’UNC Aimé Boji Sangara Bamanyirwe a, à l’œil, la DGI. Il exige du fisc la liste exhaustive des redevables à la TVA en 2022 et l’état des lieux de l’implémentation des caisses enregistreuses.
Ces recommandations sont, en effet, reprises dans la circulaire du patron du Budget sur les instructions relatives à l’élaboration de la loi des finances dont le budget de l’exercice 2022. Aimé Boji s’adresse en réalité à son collègue des Finances, l’UDPS Nicolas Kazadi qui est censé piloter le processus de la mise en place des caisses enregistreuses en RDC. Dans ce dossier, le ministère des Finances s’emmêle, en effet, les pinceaux avec la délégation du pouvoir si bien que la Direction générale des impôts a officiellement recommandé au gouvernement de «limiter l’intervention du BCECO dans la procédure de passation des marchés publics»
Hélas, début octobre 2020, c’est le Bureau central de coordination, sous la couverture du ministère des Finances, qui a collé à la DGI, un nouveau partenaire, illustre inconnu, IUNETWORKS LLC& PROBASE Ltd pour la mise en place d’un système de collecte et de gestion des données de la TVA sur les opérations réalisées par les assujettis. Coût du marché, 4.682.494,95 dollars. Pour l’alors ministre des Finances, Sele Yalaghuli, IUNETWORKS LLC& PROBASE Ltd devrait aider la DGI à relever à au moins 40% les recettes de la taxe sur la valeur ajoutée qui représentent entre 35 à 40% des recettes totales du fisc. D’après l’OCDE, Organisation pour la coopération et le développement économique, la RDC ne collecte que 6,6 % de ses recettes fiscales. Mais la mise en place du système d’information pour la collecte et la gestion des données sur la taxe sur la valeur ajoutée (SYCO-DG-TVA) demeure plutôt chaotique.
En 2018 déjà, le marché a été confié à la firme I RIVET-TRACOM pour un montant d’environ 6 millions de dollars. La DGI n’a rien vu des dispositifs électroniques fiscaux pompeusement désignés en anglais, au BCECO comme pour épater ou faire plus crédible, Electronic fiscal Device. Novembre 2019, le BCECO lance derechef des autres appels d’offre pour le même système d’infos sur la collecte de la TVA. Deux mois plus tard, le 28 janvier 2020, la société BRIGRADAP GROUP TECHNOLOGIES accuse Sele Yalaghuli ci-devant ministre des Finances (de qui dépend le BCECO), auprès du régulateur des marchés publics, de rupture illégale d’un marché qu’elle est déjà bénéficiaire par procédure de gré à gré, au coût de 73 millions de dollars. Il se trouve qu’en date du 30 août 2018, l’ex-ministre des Finances, Henry Yav Mulang, avait convié la firme BRIGRADAP à réaliser un test expérimental de son dispositif électronique sur la TVA, à ses propres frais, sur un échantillon des contribuables. Le 17 octobre 2019, Sele Yaghuli qui a succédé Yav Mulang invite, à son tour, une autre entreprise, INCOTEX GROUP, puis une autre encore le 30 octobre 2019, NOVACOM GROUP, à réaliser des tests grandeur-nature (proof of concept) auprès de quelques clients sélectionnés par la DGI. En clair, un désordre parfaitement entretenu pendant que des centaines de milliers de dollars échappent au Trésor à coup d’allégements fiscaux et d’exonérations superflus.
Grenouillage aux financesSelon le BCECO, le ministre des Finances a décidé de n’accorder le marché de gré à gré qu’à l’entreprise dont le système des collectes des données sur la TVA correspondra le mieux aux spécificités exigées par le fisc. Bref, le ministère des Finances et le BCECO instaure un véritable capharnaüm où seuls les intérêts personnels priment voilà trois ans. Mi-mai 2020, l’Autorité de régulation des marchés publics sauve subtilement la crédibilité de l’Etat en rejetant la plainte de BRIGRADAP GROUP au motif que le gré à gré qu’elle a obtenu de l’ex-ministre des Finances n’a jamais constitué un marché public, selon la loi, car n’ayant jamais été couvert par une autorisation de la Direction générale de contrôle des marchés publics. Ainsi le BCECO et le ministère des Finances ont-ils poursuivi leur aventure qui abouti, cinq mois après, au choix de IUNETWORKS LLC& PROBASE Ltd pour la mise en place d’un système de collecte et de gestion des données de la TVA sur les opérations réalisées par les assujettis. Selon nos sources, BRIGRADAP GROUP qui a opéré des dépenses pour rien, aurait résolu de saisir la justice. D’après un rapport du ministère du Budget sur l’élaboration du budget 2020, la DGI a déploré le déficit de «communication par le ministère de Finances (Direction du Trésor et Ordonnancement), sur des informations relatives aux bénéficiaires des paiements au titre des marchés publics. Ou encore la facturation et la collecte de la TVA sur les marchés publics financés par les gouvernements central et provinciaux». Le fisc constate qu’à un trimestre de la fin de l’exercice 2020, le régime des exonérations fantaisistes de la TVA semble avoir encore de longs jours devant lui, faute d’une sanction politique.
Pold Levi Maweja/NOTABILITECD