Pour Mgr Marcel Utembi et l’Abbé Donatien N’Shole engagés dans ces discussions, c’est la ligne rouge à ne pas franchir : tout sauf la candidature de Denis Kadima. La position est jugée irrationnelle et même absurde. Aux yeux de Ibetika, le fait pour les deux prélats d’insister que les pressions subies par les chefs religieux et certains candidats, « a tendance à pousser les confessions religieuses à ne retenir que le dossier du directeur exécutif de l’Institut électoral pour une démocratie durable en Afrique (EISA) », est un prétexte fallacieux parce qu’ils ne sont pas en mesure de prouver leurs allégations. Et pour ça, Ibetika tranche. Ce résonnement est, à tout sens, illogique.
Au cours de dernières plénières, ils vont plus loin et citent des cas de tentative de corruption. Dans ces conditions, ils ne sont donc pas convaincus de l’indépendance de Kadima. Accusations que l’intéressé lui-même ( kadima) a placé sur le compte des simples rumeurs lors de sa défense devant les confessions religieuses réunies au Centre interdiocésain.
Ni consensus, ni respect de résultat de l’élection
Le politologue trouve gravissime qu’on s’accroche sur des critères subjectifs. Même la compétence du candidat des kimbanguistes, d’après les catholiques et protestants, ne suffit pas pour qu’il assume les fonctions de président de la CENI. Étonnant que cela puisse paraître, l’Église catholique et l’ECC, on ne sait sur quelle base, refusent même d’accepter les règles de la démocratie. La charte des confessions religieuses parle du vote, faute de consensus. Mais, les deux confessions piétinent à coeur joie même leur propre accord qui voudrait que le candidat ayant requis le plus de voix, soit proclamé vainqueur. Sur 8 confessions religieuses, 6 ont choisi Denis Kadima. Il s’agit de l’Eglise de réveil, les kimbanguistes, l’Église orthodoxe, l’Armée du Salut, les Indépendants et les Musulmans.
Mathématiquement parlant, ce candidat qui a obtienu 6 voix sur 8, passe. Et quoi de plus normal que son élection élection soit reconnue au grand jour par tous et pour tous. Le politologue dénonce la dérive des mauvais perdants (catholiques et protestants ) qui rejettent, par mauvaise foi, le choix de la majorité. « Pire, ils opposent même honteusement leur veto », hurle Alain Ibetika qui se demande comment comprendre que l’Église universelle fait fi de la compétence et de la démocratie pour imposer son diktat dans une affaire facile à comprendre. La raison est reléguée au second plan, la mesure est imposée maintenant de façon autoritaire.
Les masques tombent
Les prélats catholiques, défenseurs et donneurs de leçon de la démocratie, veulent à tout prix dicter à leurs interlocuteurs un schéma à suivre, celui d’un faux consensus là où les dés sont déjà jetés.
« Selon les règles du jeu de notre charte, il faut que le procès-verbal de la désignation du président de la CENI soit établi et signé par soit le président de la plateforme des confessions religieuses seul, soit le président avec les chefs des confessions… Je ne sais pas si ce document qui sera signé aura quelle valeur ? A moins qu’il s’agisse d’un forcing politique avec toute les conséquences possibles », a averti Mgr Marcel Utembi. Ses propos tenus à l’issue des travaux le mardi 27 juillet prouvent à suffisance que l’Église catholique s’appuie sur cette disposition pour faire chanter les autres. A l’inverse, comment réagirait Mgr Utembi si une minorité de la plateforme refuserait de signer le PV désignant un candidat autre que le choix de son Église ?
Dans sa lettre-invitation aux confessions religieuses pour la reprise des travaux le vendredi 30 juillet, le président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), avait fait état de deux candidats (X et Y) « qui posent problème ». Il avait demandé à ses collègues de les écarter et de proposer d’autres noms. Il s’agit de Denis Kadima et de Cyrille Ebotoko restés en course aux termes de tractations du mardi 27 juillet.
Pour l’archevêque de Kisangani, il a été fait mention des tentatives de corruption de deux chefs religieux. La question a divisé même dans les rangs des catholiques, avance Ibetika qui rappelle que certains princes de l’Eglise rejettent l’acharnement du duo Utembi-Nshole qui tient à obtenir la mise à l’écart de Denis Kadima en gommant le leur ( Ebotoko). Même point de vue dans le chef de six autres qui ne voient pas pourquoi Denis Kadima peut-il être écarté au seul motif que l’Église catholique abandonne son candidat.
Dans les dires des uns et des autres, « les chefs religieux recherchent, à l’unanimité, un candidat qui a un leadership éthique et le courage exceptionnel de proclamer les vrais résultats sortis des urnes » comme l’a signifié l’Abbé Donatien N’Shole Babula. Mais là où le bas blesse, c’est que le consensus tant souhaité par le duo CENCO-ECC ne viserait qu’à positionner le candidat de l’Église catholique. Et pour atteindre cet objectif, vocifère Ibetika, la première démarche serait d’écarter Denis Kadima qu’on accuse à tort d’être proche du chef de l’État. A ce point de vue, la compétence et la démocratie sont assassinées pour des raisons tribales et politiques imposées par la seule volonté de deux confessions religieuses.
Et alors, si on rappellait la prise de position des représentants des confessions religieuses dans leur communiqué du 23 juillet 2021 lu par Mgr Marcel Utembi, n’est-ce pas une démarche de bafouer les exigences de la démocratie ? A bien lire le document, les chefs religieux se sont résolus manifestement, par le truchement du candidat futur président de la CENI, à la mise en place d’un processus électoral qui devrait obligatoirement assurer l’alternance au pouvoir en 2023. Pourquoi cette prise de position hâtive ?
En plus, les hommes de Dieu ont délibérément refusé de déclarer au point 5 de leur communiqué que les élections de 2023 n’auraient pour finalité absolue que d’arriver à l’alternance. Le politilogue Alain Ibetika monte au créneau. Pour lui, cela constitue clairement, d’abord, un éloignement par rapport à l’objet de leur mandat consistant à proposer des candidats à la CENI et un déni du droit constitutionnel d’un président en plein exercice de briguer un second mandat selon l’article 70 de la Constitution. « Les élections doivent avoir lieu en 2023 mais décorer le processus par un diktat pour des intérêts partisans, les princes des Églises jouent avec le feu qui va coûter cher au pays si on n’y prend pas garde », a tonné Ibetika.