AVANCÉES. Le dernier rapport « Femmes, entreprises et droits » de la Banque mondiale évalue les efforts des pays africains pour l’égalité économique entre les hommes et les femmes.
Fait-il bon d’être une femme au Gabon ? La question mérite d’être posée alors que le pays d’Afrique centrale vient d’être reconnu dans le dernier rapport « Femmes, entreprises et droits » de la Banque mondiale qui évalue les performances de 190 pays dans le monde en matière d’adoption de réformes destinées à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes. « Les femmes n’ont jamais autant participé à la vie publique. Elles n’ont jamais autant contribué à faire respirer et évoluer notre société », se réjouissait le 16 août 2021 le président Ali Bongo Ondimba, à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance du Gabon.
La situation des femmes au Gabon a progressé
À titre d’exemple, en plus de la Première ministre, Rose Christiane Ossouka Raponda, elles sont douze femmes à être actuellement titulaires de portefeuilles ministériels dans le gouvernement. Elles occupent également de hautes fonctions dans l’administration, on les retrouve à la tête du Sénat, à la Cour de cassation, à la Cour constitutionnelle, à des postes de gouverneur, dans la magistrature, etc. Dès 2015, le président a institué la « Décennie de la femme gabonaise », assortie d’un ministère dédié (qui n’existe plus depuis 2019), la première dame est à la tête d’une fondation très active qui a engagé les institutions du pays dans un profond travail de mutation de la société, autour de la promotion des droits et de l’autonomisation des femmes. La législation a profondément évolué, aussi bien en droit civil qu’en droit pénal ainsi qu’en droit du travail. Et les résultats sont là : la représentativité des femmes au Parlement est passée de 15 % à 19,2 %. Au sein du gouvernement gabonais, ce chiffre est passé de 29 % en 2015 à 33 % en 2022. Et le monde des affaires n’échappe pas à cette modernisation. Appelez-les « boss ladys », « working girls », « femmes d’influence », une nouvelle génération de femmes émerge dans la société. Même si ce leadership féminin n’est pas nouveau au Gabon, les femmes gabonaises ayant toujours joué un rôle clé dans la vie politique, économique et sociale. Ce qui a changé, c’est que ces deux générations désormais réunies ont réussi à porter plus haut et plus fort leurs revendications.
Cependant, ces avancées ne doivent pas occulter d’autres données qui révèlent « une moindre inclusion financière des femmes, avec seulement 30 % des femmes ayant accès à un compte bancaire contre 38 % pour les hommes (Findex, 2017) », pointe une analyste de la Banque mondiale sur son blog. De même, d’importants écarts entre les sexes existent dans l’emploi. Selon les données de l’OIT, en 2019, la participation des femmes au marché du travail au Gabon était de 45 %, contre 64 % pour les hommes. Le taux de chômage était de 28 % pour les femmes contre 14,1 % pour les hommes.
Comme chaque année, la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars dernier, a été l’occasion pour la parution phare de la Banque mondiale de rappeler que les inégalités entre les femmes et les hommes sont toujours prégnantes, a fortiori depuis l’apparition du Covid-19. Malgré leur rôle clé dans le développement, les femmes sont souvent les plus touchées par les crises. Selon les données récoltées, environ 2,4 milliards de femmes en âge de travailler ne bénéficient pas de l’égalité des chances économiques et 178 économies maintiennent des obstacles juridiques qui empêchent leur pleine participation à la vie économique. Dans 86 économies, les femmes sont confrontées à une forme de restriction d’accès à l’emploi et 95 autres ne garantissent pas un salaire égal pour un travail de valeur égale. Mais depuis octobre 2020, 23 économies ont introduit des réformes renforçant le statut juridique des femmes. Et l’Afrique n’est pas en reste. En 2021, le continent africain a enregistré avec le Moyen-Orient la plus forte amélioration en matière d’égalité économique hommes-femmes.
Coutumes versus lois : les Gabonaises font tomber le dernier maillon
Et le Gabon est cité en exemple, pour avoir mis en œuvre cinq réformes majeures, dont le Code civil, faisant passer son score moyen de 57,5 à 82,5. Le pays a notamment obtenu la note de 100 pour l’indicateur Actifs en ayant accordé aux épouses des droits égaux sur les biens immobiliers et une autorité administrative analogue à celles des hommes sur les biens pendant le mariage. Des réformes qui touchent au droit de la famille et qui ont donné lieu à une levée de boucliers de la part des couches les plus conservatrices de la société gabonaise. Même si les lois existaient, une forme de résistance freinait leur application. « Les femmes ne peuvent pas atteindre une égalité au travail si elles ne sont pas sur un pied d’égalité à la maison, observe Carmen Reinhart, vice-présidente principale et économiste en chef du Groupe de la Banque mondiale. Cela signifie qu’il faut uniformiser les règles du jeu et faire en sorte que le fait d’avoir des enfants ne se traduise pas par l’exclusion des femmes d’une pleine participation à l’économie et par des freins à la réalisation de leurs espoirs et de leurs ambitions. » Le pays d’Afrique centrale a également atteint la note maximale pour l’indicateur Entrepreneuriat en permettant aux femmes d’ouvrir un compte bancaire au même titre que les hommes et en facilitant leur accès au crédit grâce à l’interdiction des discriminations fondées sur le sexe dans les services financiers. Enfin, le Gabon affiche aussi la note de 100 pour l’indicateur Travail en permettant à une femme d’occuper un emploi sans l’autorisation de son mari.https://c6f12394296f965fab6a96d686d506bd.safeframe.googlesyndication.com/safeframe/1-0-38/html/container.html
Au-delà du Gabon, c’est toute l’Afrique qui a connu des changements importants dans ce domaine, même si l’éventail de score est vaste : il va de 89,4 à Maurice à 29,4 au Soudan. Néanmoins, la région a mis en œuvre de profondes réformes et enregistré la deuxième plus forte progression de l’indice l’année dernière. En Afrique du Nord, région considérée comme l’une des plus inégalitaires du monde pour les femmes, les lignes bougent et un pays comme l’Égypte a adopté une législation protégeant les femmes contre les violences domestiques, et a facilité leur accès au crédit en interdisant la discrimination fondée sur le sexe dans les services financiers. En Afrique subsaharienne, l’Angola a adopté une loi criminalisant le harcèlement sexuel au travail. Le Bénin a supprimé les restrictions à l’emploi des femmes dans le secteur de la construction, de sorte qu’elles peuvent désormais occuper tous les emplois au même titre que les hommes. Le Burundi a imposé une rémunération égale pour un travail de valeur égale, tandis que la Sierra Leone a facilité l’accès des femmes au crédit en interdisant la discrimination fondée sur le sexe dans les services financiers. En revanche, le Togo a promulgué une nouvelle loi qui n’interdit plus le licenciement des salariées enceintes, réduisant ainsi les opportunités économiques des femmes.
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