Sundar Singh a pratiquement voyagé à travers toute l’Inde. Mais il a toujours eu une attirance particulière pour les régions montagneuses du nord du pays. Les gens y sont en général ignorants et les autorités y sont opposées à l’influence et à la propagation du Christianisme. La lecture de “L’amour de la croix” suffit à montrer au lecteur les dangers qu’encourent ceux qui voyagent à travers ces régions. C’était au cours de l’été 1912, alors qu’il prêchait dans plusieurs districts d’altitude, tels Tehri Garwal et Gangotri, que Sundar se rendit jusqu’au Kailas, un pic de l’Himalaya culminant à 6715 m, considéré comme très sacré par les Tibétains et les Indiens et regardé comme la demeure de nombreux maîtres et prophètes hindous. Quelque part en chemin, de façon soudaine, Sundar aperçut une croix de pierre fixée sur un rocher. Sa surprise fut grande de voir une croix dans cet endroit connu pour être le haut lieu des dieux hindous. Il décida immédiatement d’en chercher une explication. Mais une longue et fatigante marche de plusieurs kilomètres autour de cet endroit n’aboutit qu’à plus de confusion. Et en outre il en perdit son propre chemin. Après avoir erré désespérément pendant plusieurs jours, Sundar fut contraint de remettre ses recherches à plus tard et de redescendre dans la plaine. Sur le chemin du retour, alors qu’il descendait une forte pente, le soleil était si éblouissant qu’il l’aveuglait au point de ne pouvoir plus distinguer où il mettait ses pas. Il avançait ainsi sans savoir où il allait quand il perdit soudain l’équi libre et dégringola la pente. Il tomba quelques mètres plus bas et le choc le laissa inconscient quelques minutes. Quand il revint à lui et qu’il ouvrit les yeux, il réalisa qu’il se trouvait devant une énorme caverne à l’entrée béante, devant laquelle était assis un vieillard aux cheveux blancs et à la silhouette effroyable. Sundar Singh fut envahi d’une telle peur à cette vision inquiétante qu’il faillit s’évanouir une deuxième fois. Examinant plus attentivement la silhouette qui se tenait devant lui, il n’eut alors plus aucun doute. Il s’agissait bien d’un être humain. Mais à l’aspect de la chevelure longue et flottante qui recouvrait tout son corps, il ressemblait plutôt à un ours. Voici de quelle façon Sundar l’a dépeint : “Sa chevelure et sa barbe étaient si longues qu’elles touchaient le sol tandis que ses sourcils formaient une sorte d’écran sur son visage. Ses ongles – dont il se servait pour creuser – mesuraient plusieurs centimètres. Il ne portait pas de vêtement mais sa longue chevelure habillait pratiquement tout son corps.” Comme Sundar avait souvent entendu parler de maîtres hindous dans ces régions, il pensa qu’il s’agissait sûrement d’un de ces prophètes. Depuis le début, Sundar était resté sans bouger en se demandant comment il allait engager la conversation. Finalement, il se ressaisit et lui adressa la parole dans son propre dialecte. D’abord, l’homme sembla ne pas tenir compte des mots de Sundar. Il était assis, les yeux fermés. Il ne les avait pas encore ouverts. Mais, une minute ou deux après que Sundar eût parlé, l’homme ouvrit les yeux. “Ces yeux, dit Sundar, étaient si brillants et si perçants qu’ils semblaient regarder le fond de mon coeur et lire mes pensées.” Après que le vieillard eût ouvert les yeux, il prononça ces mots : “Avant que nous commencions à parler, ayons un moment de Prière.“ Et disant cela, il ouvrit son volumineux Nouveau Testament de parchemin et fit une lecture dans l’Évangile de Matthieu, au chapitre 5. La lecture terminée, il se mit à genoux et pria d’une manière ardente et solennelle, en terminant “au nom du Seigneur Jésus”. Comme tout cela était étonnant pour le pauvre Sundar qui jamais ne s’était attendu à trouver un homme dans ces endroits désolés, et encore moins un chrétien consacré et un homme de prière. Il pensa tout d’abord que l’homme le trompait. Mais la conversation qui suivit lui confirma que tout ceci avait été conduit par l’intervention divine et que Dieu l’avait amené là afin de l’enseigner et de lui révéler ce qui manquait à sa connaissance des choses spirituelles ; et également afin de faire de lui un serviteur de Dieu plus fort et plus fidèle. Sundar demanda alors au vieil homme de lui raconter son histoire et de lui expliquer les circonstances qui l’avaient amené là. Ce qui suit est donc un résumé de sa vie dans les termes qu’il a utilisés à l’égard du Sadhou.