(Enquête du journal Les Coulisses)
« Surseoir toute transaction et/ou opérations de transfert de devises des comptes bancaires de la société Esco-Kivu au bénéfice de la société Esco-Uganda. »
En date du 29 avril 2021, ce qu’on murmurait à l’oreille éclate. La justice congolaise accuse Esco-Kivu de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme transfrontalier. En clair, par ses activités illicites à la frontière de Nobili, elle participerait aux massacres des populations du Ruwenzori. Le procureur de la république près le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Beni, par sa lettre N°418/PR073/012/030/SEC/2021, adresse une Réquisition d’information (à expert) à deux banques commerciales de Beni, la Rawbank et Equity/BCDC et leur demande de surseoir toute transaction et/ou opérations de transfert de des devises d’Esco-Kivu. Motif : Blanchiment des capitaux et financement du terrorisme. En effet, la société Esco-Kivu transfère illicitement des billets de banque libellés en monnaie étrangère par le poste frontalière de Nobili dans la chefferie de Watalinga.
Les enquêtes du procureur indiquent que durant la période allant de 2017 à 2020, avec la complicité de deux banques commerciales, les responsables de la société Esco-Kivu auraient transféré par contrebande une rondelette somme estimée à plus ou moins 25 millions de dollars $ à la société sœur Esco-Uganda. Et ce, pour acheter le cacao congolais au bénéfice de l’Ouganda. Ce que la société Esco-Kivu ne nie pas.
Elle reconnaît par ailleurs sans pincement au cœur dans sa correspondance adressée au gouverneur de la Banque Centrale du Congo (BCC) : « Ces transferts des fonds (l’) autorisaient à obtenir la monnaie ougandaise pour l’achat de cacao qu’elle exporte vers le marché international à partir de la chefferie de Watalinga, localité enclavée dépourvue d’institution bancaires et financières. »
Esco-Kivu reconnaît retirer régulièrement plus de 10 mille dollars $ qu’il transfère en Ouganda pour achat du cacao sur le sol congolais au profit de l’Ouganda. Pour mieux comprendre les accusations du procureur de la république contre Esco-Kivu, il faut regarder la face b, c’est-à-dire Esco-Uganda.
Plus de 25 millions $ transférés à Esco-Uganda : cacao du sang.
Plus de 25 millions de dollars $ sortis de deux banques commerciales pour financer l’achat illicite du cacao dans le Ruwenzori. Cette masse monétaire sortant des coffres-forts des banques installées en RDC changée en monnaie ougandaise alimente les massacres à travers la criminalité transfrontalière et nuit à l’économie de la RDC.
Esco-Kivu achète et exporte le cacao en toute impunité comme dans un pays conquis. Dans notre édition en ligne du 7 janvier 2021, nous écrivions : « La société Edmond Schlüter et CO (ESCO-Kivu) s’est dédoublée en Ouganda sous l’appellation « ESCO-UGANDA ». Le cacao cultivé par la population du Ruwenzori, récolté par on ne sait qui après des attaques meurtrières des villages, aurait été vendu à des agents d’ESCO-KIVU pour le compte de sa filiale ESCO-UGANDA installée dans le district de Kasese en Ouganda. » Dans le droit de réponse publié sur les réseaux sociaux signé par Paluku Matumu Jacques, Esco-Kivu réagit en ces termes concernant Esco-Uganda : « Pour nuire à l’image d’Esco Kivu, vous écrivez dans votre journal que la société Esco Kivu s’est dédoublée en Ouganda sous l’appellation d’ESCO UGANDA et vous considérez Esco Uganda comme une filiale d’Esco Kivu. Nous vous informons qu’Esco Kivu est légalement constituée et implantée en République Démocratique du Congo depuis le 3 1 juillet 1970, enregistrée à l’Office notarial de Kinshasa sous le numéro 15.662 folios 131 à 141 vol CL et par après les statuts ont été modifiés successivement par Actes Authentiques du I er décembre 1971 Journal Officiel P. 1046 de Schluter Congo à Schluter Zaïre ; du 28 novembre 1977, Office notarial de Kinshasa NO 36257 à Esco Zaïre, le 05 décembre 1997 société Esco Kivu Sprl avec le siège social à Goma, Province du Nord-Kivu et actuellement c’est Esco Kivu Sarl avec les statuts légalisés le 12 septembre 2014 ayant le siège social à Beni. De ce fait, alors que la société ESCO UGANDA est une société de droit ougandais, Esco Kivu Sarl est une société de droit congolais. D’où le troisième mensonge. »
Le transfert des fonds d’Esco-Kivu à Esco-Uganda qui justifie le blanchiment et financement de la criminalité transfrontière donne raison au journal Les Coulisses. Les deux ESCO, c’est bonnet blanc, blanc bonnet.
Des véhicules immatriculés en Ouganda traversent la frontière jusqu’au Congo et repartent chargés du cacao. Pour la seule date du 6 février 2021, voici les quelques véhicules qui n’ont pas échappé à l’œil de notre Rédaction : UAJ 661R/UAD 721Q, UAK 878A/UAD749Q, UAJ 653R/UAD727Q, UAH 928U/UDE946L, UAJ 660R/UAD719Q, SSD 252H/UAQ826C, T 403CSU/UBE440Z. Toute cette cargaison traverse sans aucun document ONAPAC.
Nous sommes dans une région où la coutume a pris le dessus sur l’État et impose l’omerta. Il est interdit à quiconque se reconnaissant de la communauté de dénoncer. Et ce, malgré les dégâts avec morts d’hommes. Ce qui est important à retenir est que l’argent transféré illicitement par Esco-Kivu sert à acheter du cacao dans le Ruwenzori.
Le cacao acheté traverse en Ouganda et porte la marque « product of Uganda ». Mais il y a pire. Le cacao est récolté et vendu durant les périodes de la montée de l’insécurité dans le Ruwenzori. On assiste à deux phénomènes : les cultivateurs sont chassés de leurs champs et parfois massacrés mais leur cacao abandonné dans les champs est curieusement récolté et vendu auprès des agents Esco-Kivu pour le compte d’Esco-Uganda.
Des véhicules d’Esco-Kivu traversent directement à Nobili sans documents de la RDC, sans aucun respect des normes en matières de réglementation des produits agricoles en exportation. Ce cacao qui échappe à tout contrôle entre dans le cadre du commerce transfrontalier et alimente les massacres des populations de Beni…