Question d’un visiteur :
Bonjour pasteur,
Voici une question pour vous. Elle concerne le passage sur la nouvelle naissance, dans Jean, ch.3 versets 3 et 5.
« En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. »
« En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. »
Merci pour votre éclairage spirituel.
Réponse d’un pasteur :
Bonsoir
C’est un très beau texte.
Il y avait parmi les pharisiens un chef des Juifs du nom de Nicodème ; 2celui-ci vint le trouver de nuit et lui dit : Rabbi, nous savons que tu es un maître venu de la part de Dieu ; car personne ne peut produire les signes que, toi, tu produis, si Dieu n’est avec lui.
3Jésus lui répondit : Amen, amen, je te le dis, si quelqu’un ne naît pas de nouveau, il ne peut voir le règne de Dieu.
4Nicodème lui demanda : Comment un homme peut-il naître, quand il est vieux ? Peut-il entrer une seconde fois dans le ventre de sa mère pour naître ?
5Jésus lui répondit : Amen, amen, je te le dis, si quelqu’un ne naît pas d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu…
(Évangile selon Jean 3)
Il est utile de regarder un peu de près quelques éléments qui peuvent prêter à confusion en français par rapport au texte original :
Remarquons d’abord que le mot grec traduit par « de nouveau » (ἄνωθεν) a un double sens bien entendu significatif, il veut dire à la fois « de nouveau » et « d’en haut ». Cette naissance dont il parle est à la fois « de nouveau », une seconde naissance après notre naissance physique, et une naissance « d’en haut », c’est à dire de Dieu. C’est le sujet de la discussion avec Nicodème, et la précision de Jésus sur le type de naissance qui n’est pas seulement « de nouveau » mais aussi une naissance d’un autre type, d’en haut, c’est à dire de Dieu. C’est ce dont parle aussi le prologue de Jean en ces termes : « à tous ceux qui l’ont reçue (la Parole de Dieu, sa lumière), elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu— à ceux qui mettent leur foi en son nom. Ceux-là sont nés, non pas du sang, ni d’une volonté de chair, ni d’une volonté d’humain, mais de Dieu. » (Jean 1:12-13)
Ce qui est traduit pas « Esprit » est en grec bien plus concret, c’est le souffle, le vent (πνεῦμα).
Il est clair que cette naissance « d’en haut » ou « de Dieu » que Jésus explicite sous forme de naissance d’eau et d’Esprit est à lire comme dans ce prologue comme quelque chose venant « d’en haut », c’est recevoir cette Parole, cette lumière dont parle le prologue de Jean. Il est possible de voir un parallèle avec le baptême d’eau (pratiqué par Jean Baptise et que Jésus ne pratiquait pas comme il est écrit en Jean 4:2) et le baptême d’Esprit (que seul donne le christ, et qu’il pratique à ma connaissance seulement en Jean 20:22). S’il y a par la suite un rite pratiqué en église, c’est un simple signe de cette réalité spirituelle déjà présente, mais ce n’est pas de cela dont parle Jésus ici, qui est une opération de Dieu dans la personne, ce n’est pas un acte réalisé par une personne sur une autre comme un rite de baptême avec de l’eau matérielle ou un rite de don du souffle comme cela était parfois pratiqué dans l’église ancienne (on en a encore une mémoire quand Paul ou Pierre dit « embrassez vous d’un saint baiser », ce baiser étant d’ailleurs sur la bouche et manifestait de don du souffle ou de l’enseignement).
Cette nouvelle naissance d’en haut, qu’est-ce que cela être concrètement. Il peut y avoir plusieurs interprétations :
Naître d’eau : dans ce contexte de la culture biblique, à mon avis, cela peut évoquer un accouchement, comme il y a d’abord l’écoulement d’eau avant l’expulsion du bébé du ventre de sa mère. C’est souvent évoqué à propos de la fin du déluge avec Noé et sa famille, cela évoque le fait que Dieu nous rend autonome et libre pour vivre notre vie, c’est une image de la grâce, de la liberté que Dieu nous donne puisqu’il nous aime sans condition, cela nous encourage à tracer notre propre chemin dans la confiance que Dieu nous accompagnera pour nous aider car il tient à nous. Cela nous encourage à être créatif et créateur, à son image, qu’il attend avec impatience nos idées neuves, nos actes jamais vus. Cette naissance d’eau évoque aussi l’aide de Dieu pour enlever le mal en nous, ce qui est souffrant et source de souffrance, ce qui est égocentrique, faible, handicapant. Ce travail de Dieu en nous est bien entendu sans cesse à vivre, pas une unique fois, car nous avons sans cesse à être libéré de ce qui nous enchaîne ainsi.
Naître d’Esprit : c’est recevoir un supplément de création de la part de Dieu, puisque c’est cela qu’évoque ce terme un peu mystérieux d’Esprit, c’est l’action de Dieu qui fait quelque chose de beau à partir du chaos, nous dit la première phrase de la Genèse, c’est aussi pour nous une opération de Dieu en nous pour faire quelque chose de beau à partir de notre chaos interne qui nous agite, nous trouble, nous gêne pour vivre et d’être source de vie autant que nous pourrions l’espérer. Cette action de la Parole de Dieu comme le dit Jean 1, ou de cette lumière primordiale de la Genèse, est donc d’abord Dieu qui nous crée, qui poursuit son œuvre pour nous grandir, nous épanouir dans notre personnalité profonde. Bien entendu, cette naissance d’Esprit est aussi à recevoir encore un petit peu chaque jour, en tout cas tant que nous ne serons pas au niveau de Jésus Christ, ce qui peut prendre encore quelque temps ! C »est pourquoi Jésus nous appelle à nous considérer comme un enfant, ayant encore tant à recevoir pour être un adulte ayant grandi dans toutes les dimensions de son être : en grâce, en force, en sagesse. Naître d’Esprit, c’est se laisser créer par Dieu, mais c’est aussi plus que cela, car nous ne sommes pas seulement créé individuellement par Dieu : il fait même de nous (ou il espère faire de nous) un co-créateur, entrant dans son équipe. C’est pourquoi il est dit qu’il nous crée à son image (Genèse 1:27) et qu’il nous donne son souffle (Genèse 2:7). C’est à dire que nous seulement Dieu nous crée avec son Esprit, mais il nous donne l’Esprit afin que nous ayons de la créativité, de la liberté, l’enthousiasme de faire de bons projets, que nous soyons artisans de paix, de bon service pour d’autres personnes…
Voilà le signes que nous sommes réellement un petit peu né d’en haut, né d’eau et d’Esprit, comme le dit encore Jean dans sa première lettre : « quiconque aimé est né de Dieu et connaît Dieu » (Jean 4:7). Aimer est ici : vouloir qu’une personne aille mieux, et peut-être déjà faire un premier geste en ce sens, ce n’est pas nécessairement ressentir de l’amitié ou de l’amour au sens amoureux actuel. Même si nous sommes encore en chemin vers la perfection, même si nous ne sommes qu’au tout début de ce chemin, je sais qu’il nous arrive quand même d’aimer au moins un tout petit peu, ou d’imaginer ce que ce serait que d’aimer, de vouloir du bien à une autre personne, comme cela, juste gratuitement.
Ce texte de l’évangile selon Jean semble bien théologique, il parle pourtant de quelque chose de très concret nous dit Jésus selon ce texte, quelque chose dont nous avons l’expérience (c’est ce qu’il dit quelques versets plus loin « je vous ai parlé ainsi de choses terrestres » v.12).
C’est ainsi que, chaque jour, nous pouvons nous tourner vers Dieu avec confiance pour qu’il nous fasse naître un petit peu plus de ces deux dons. S’ouvrir à ce travail de Dieu en nous, c’est littéralement être dans le Royaume de Dieu, être dans son atelier pour qu’il poursuivre notre genèse.
Dieu vous bénit et vous accompagne ainsi
par : Marc Pernot, pasteur à Genève
Si vous voulez, vous pouvez voir aussi, dans le petit dictionnaire de théologie :
Baptême